Le travail détaché

Le même rapport indique que les détachements depuis le Luxembourg concernent principalement les secteurs de la construction, de la finance/assurance/immobilier, services de soutien, de l’intérim et de l’industrie (80% des détachements déclarés).

Cette situation a de quoi interpeller : avec 90% des détachements réalisés dans les pays voisins, quelle est la proportion de frontaliers dans ces détachements ? Combien de contrats signés au Luxembourg sont en réalité prestés de l’autre côté de la frontière ? un résident nord-lorrain placé par une agence d’intérim située au Luxembourg peut ainsi être détaché auprès d’une entreprise nord-lorraine, sans jamais passer la frontière, mais sera considéré comme un frontalier, puisque sa situation sociale et fiscale relèvera du droit luxembourgeois.

A l’échelle du Luxembourg, l’ensemble du détachement (certificats A1 et autres situations) représentait en 2018 4,5 millions de jours de travail, soit un équivalent de 12 800 ETP pour 30 600 personnes. Ce qui fait du Grand-Duché le pays européen au plus fort taux de travailleurs détachés (6% des actifs résidents et frontaliers), loin devant la Slovénie (3%) et alors que la part du travail détaché reste faible à l’échelle de l’Union Européenne (0,4% des actifs).

Ce sont autant de journées de travail et de compétences qui à la fois « bénéficient » et « échappent » aux entreprises installées près de la frontière. Mais c’est aussi autant de fiscalité locale, d’impôt sur le revenu (sauf si le détachement dépasse 183 jours) et de cotisations sociales qui sont captées par le Grand-Duché aux dépens de ces territoires.

La France concentrant 32% des détachements depuis le Luxembourg, ils seraient ainsi 5 800 (soit l’équivalent en termes d’effectifs d’enseignes comme Picard, Buffalo Grill ou Décathlon) à exercer une activité côté français pour le compte d’une entreprise implantée au Grand-Duché. D’après les estimations de la Fondation IDEA[1], 3 500 frontaliers seraient détachés (4% des frontaliers), soit les 2/3 des détachements vers la France depuis le Luxembourg.

[1] Source : https://www.fondation-idea.lu/2019/04/30/combien-y-a-t-il-vraiment-de-travailleurs-frontaliers-au-luxembourg/

Le nombre de contrats importants (3,8 en moyenne), associé à une durée nettement plus courte que les détachements issus des autres pays de l’UE vers la France (12 jours contre 41), accréditerait l’hypothèse d’un poids particulièrement élevé de l’intérim dans les pratiques de détachement depuis le Luxembourg.